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Eoliennes : chronique d’un naufrage annoncé

Le grand plan de développement de l’énergie éolienne en France va-t-il tourner au naufrage ? « Tout semble l’annoncer » jugent les auteurs. « Des doutes de plus en plus forts et justifiés entourent ce choix énergétique qui répond essentiellement à des considérations politiques. Dans toutes les régions de France se manifeste une opposition croissante de la part des riverains contre les éoliennes qui menacent leur environnement et leur santé, mais aussi des Français en général, révoltés par le saccage de leurs paysages et le gaspillage des denier publics » expliquent-ils.

Auteurs : Pierre Dumont et Denis de Kergorlay*

* Pierre Dumont est chef d’entreprise. Il dirige une société familiale bicentenaire, elle-même engagée dans d’autres énergies renouvelables. Il mène, depuis de nombreuses années, un combat acharné pour préserver des éoliennes les sites emblématiques du pays de George Sand et de la Vallée des Peintres, entre Bas-Berry et Creuse.

* Denis de Kergorlay est un acteur de longue date du monde associatif dans le domaine de l’environnement (Les Amis de la Terre), de l’action humanitaire (Médecins Sans Frontières) et de la défense du patrimoine culturel (La Demeure Historique, Europa Nostra, French Heritage Society).

A la base de l’utopie : du fait de leur intermittence, les éoliennes ne pourront jamais remplacer le nucléaire. Prétendre remplacer les sources traditionnelles de production d’électricité décarbonées (hydraulique et nucléaire) par le solaire et l’éolien est une utopie par laquelle on trompe l’opinion. On aura beau faire, jamais il ne sera possible de « maîtriser » la force des vents, ni de les activer lorsqu’il n’y en a pas. On peut même affirmer que plus on construira d’éoliennes en France, plus on aura besoin de sources traditionnelles de production d’électricité pour faire face à l’intermittence de l’éolien. Plus nous produirons d’électricité éolienne, plus grand est le risque de manquer de courant en cas d’absence ou d’excès de vent, et donc plus importantes devront être les capacités alternatives de production immédiate d’électricité à partir d’énergies fossiles et donc de gaz (il n’y a plus de centrales à charbon en fonctionnement en France), ou du nucléaire. […] De surcroît, passer de l’un à l’autre ne se fait pas en « appuyant sur un bouton », mais suppose une régulation très fine. Il faut pouvoir monter très vite en puissance, afin de garantir la stabilité de la fourniture d’électricité. Or une centrale nucléaire ne peut pas varier sa production très facilement et ne peut pas s’adapter, en très peu de temps, à la force du vent dans une région donnée.

[…] Les promoteurs de l’éolien avancent en général deux arguments pour éviter de se heurter de front à la question de l’intermittence : l’émergence de nouvelles technologies de stockage de l’électricité et la multiplication des éoliennes sur le territoire pour profiter de la « compensation » des vents.

Autrement dit, on conserverait l’électricité produite par les éoliennes en cas de surplus pour l’utiliser lors des pics de consommation, ce qui en gommerait la nature intermittente, et l’on jouerait sur le fait que lorsqu’il n’y a pas de vent en Méditerranée, il peut y en voir dans l’Atlantique ou dans la Manche ; lorsqu’Éole est muet en Picardie, il peut se déchaîner à Toulouse ou à Lyon… En multipliant le nombre d’éoliennes, on aurait ainsi la garantie de profiter de tous les vents disponibles sur l’ensemble des territoires. Regardons ces arguments de près.

La compensation des vents

Il n’y a pas de « marché » du vent. On ne peut pas « acheter » du vent de la mer du Nord pour compenser son absence en Méditerranée. Et que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de vent du tout sur l’ensemble du territoire français ?

Évoquer cette idée de compensation est une autre façon de plaider pour le mitage du territoire en multipliant les éoliennes. La force et la direction des vents sont impossibles à planifier. Au reste, l’efficacité énergétique d’une éolienne est faible.[…]

Le stockage de l’électricité

[…] Ni le vent, ni le soleil ne sont des sources d’énergie « stables ». Le soleil se couche précisément au moment où l’on a le plus besoin d’électricité. Le vent ne souffle pas avec force égale selon les saisons ou les moments de la journée. D’où le problème de l’intégration de cette énergie dans les réseaux existants. Trop de flux lorsqu’il fait beau ou qu’il y a du vent, pas assez dans le cas contraire font peser sur les réseaux des à-coups qu’ils supportent difficilement et qui peuvent même être facteurs d’incidents. Résoudre ce problème supposerait donc que l’on puisse « stocker » l’énergie afin de lisser les flux, quelle que soit leur origine, énergies renouvelables ou traditionnelles. […]

La vérité est que l’énergie éolienne est chère, qu’elle n’offre aucune sécurité d’approvisionnement et qu’elle nécessite, pour pallier son intermittence, le recours à des énergies alternatives souvent extrêmement polluantes, à l’exception du nucléaire qu’elle est censée remplacer. Cherchez l’erreur !

Le prix de l’utopie : des paysages dévastés, des sites et des monuments défigurés

Le choc est brutal lorsque l’on constate l’indifférence de nos dirigeants de tous bords face à la question de la destruction des paysages. À entendre les responsables politiques discourir à l’envi sur les atouts de la France et évoquer, en tête de liste, ses paysages et la beauté et l’authenticité de ses territoires, on ne peut qu’être pris de vertige devant cette contradiction flagrante : ceux-là mêmes qui mettent en avant la diversité des paysages français et le capital qu’ils représentent pour notre industrie touristique sont aussi les promoteurs de l’énergie éolienne, et donc les fossoyeurs de ce capital naturel, culturel et économique.

Le silence assourdissant, sur cette question essentielle, des ministres de la Culture qui se sont succédés depuis l’élection de François Hollande en 2012, est stupéfiant ! Sauf à considérer que les paysages et les monuments de la France ne font pas partie de notre culture… […]

Quand on présente l’objection que ces éoliennes ont pour effet d’altérer nos paysages, nos sites et nos monuments historiques, on se heurte à plusieurs types de réponses.

La première est le déni. On vous fait valoir que les considérations de protection du paysage sont déjà prises en compte. Les promoteurs insistent sur le cadre réglementaire qu’ils estiment déjà très contraignant : la distance de cinq cents mètres entre une éolienne et les habitations, l’enquête publique, les avis des différentes administrations…

Le deuxième type de réponse, c’est la reconnaissance partielle… En privé, certains, dans les cercles du pouvoir, ont l’honnêteté de ne pas nier l’impact des éoliennes sur les paysages, les sites et les monuments. Mais ils utilisent l’argument archi-usé de la résignation : « On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs… » […]

Le prix de l’utopie : un saccage environnemental

[…] Les atteintes aux paysages sont faciles à percevoir : les éoliennes se voient de loin. Mais leur implantation provoque d’autres types de pollutions, plus difficiles à déceler, tout aussi préoccupantes.

Des terres industrialisées et stérilisées

Un projet éolien se monte d’abord comme une opération de promotion immobilière : il faut trouver des terrains disponibles. Sans foncier, pas de machines. Au début du développement de l’énergie éolienne, l’État avait défini un certain nombre de zones susceptibles d’accueillir des projets éoliens, les Schémas régionaux éoliens (SRE). À l’intérieur de ces zones, la chasse au foncier s’est déchaînée. Immédiatement, les associations ont réagi et ont été entendues par la justice administrative, dont le Conseil d’État.

En 2017, plus de 15 schémas régionaux éoliens avaient été annulés, faute d’études d’impact environnemental sérieuses, notamment en Bretagne, en Poitou-Charentes ou en Île-de-France.

[…] Les promoteurs de l’éolien oublient évidemment d’évoquer les quantités de béton nécessaires pour implanter une machine dans le sol : entre 800 et 2 000 tonnes ancrées parfois à plus de vingt mètres de profondeur, et qui y resteront pour l’éternité, puisqu’en cas de démantèlement, il est prévu de ne décaper ce bloc que sur un mètre de hauteur environ. C’est un béton hautement ferraillé qui engendre des pollutions à long terme, notamment sur les ressources en eau, dont le propriétaire du terrain risque d’être tenu pour seul responsable à terme.

Dans un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de cassation a en effet jugé qu’un propriétaire de terrain ayant accueilli une « installation classée pour la protection de l’environnement » (ICPE), qui désigne des installations comme un dépôt, un chantier, une exploitation agricole, une usine, un atelier ou des éoliennes, doit éliminer tous les déchets, « en l’absence de tout autre responsable identifiable ».

Si, au bout du cycle de vie d’une installation éolienne, la société exploitante se déclare en faillite ou disparaît, c’est donc l’agriculteur qui sera seul face aux coûts du démantèlement […] »

[…] plus préoccupant encore, est le phénomène dit du repowering. Il s’agit, sur un site donné, de remplacer des machines anciennes par des éoliennes plus puissantes, donc plus hautes. Les exploitants soutiennent que cet « échange » entre matériel ancien et nouveau économise de la surface, ce qui est faux, car on n’installe pas les nouvelles éoliennes sur les massifs de béton qui ont soutenu les anciennes. Il faut en effet bétonner de nouvelles surfaces, avec des quantités de béton et de ferraille encore plus importantes.

Le prix de l’utopie : un gâchis financier abyssal

La Contribution au service public de l’électricité (CSPE) : la machine à traire…

Qui prend le temps de lire les lignes, à dessein minuscules, figurant au verso de ses factures d’électricité ? Si davantage de Français avaient la curiosité de le faire, ils constateraient que, parmi les taxes prélevées sur leur facture, figure une très discrète, à défaut d’être anodine, « CSPE » qui ne représente pas moins de 15 %, en moyenne, du montant total de la facture.

L’électricité d’origine éolienne n’est pas rentable. Le dispositif d’obligation de rachat, par EDF, de cette électricité à un tarif hors-norme risque de mettre en péril notre producteur national. Il fallait donc trouver la source de financement. D’où la CSPE, taxe instituée en 2003 et destinée à compenser les surcoûts liés aux charges de service public de l’électricité supportée par EDF et les autres concessionnaires des réseaux publics d’électricité. Elle a été complétée récemment par des prélèvements sur les autres sources d’énergie.

[…] Selon les calculs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), une baisse d’un euro par MWh des prix du marché de gros se traduit par une hausse des surcoûts de plus de 50 millions d’euros. Entre 2016 et 2018, la charge de soutien aux énergies renouvelables a donc progressé d’un milliard d’euros.

Qui paie la CSPE ? Tous les consommateurs d’électricité, y compris les plus démunis, ceux qui ont déjà du mal à s’acquitter de leur facture. […] 

Éoliennes : chronique d’un naufrage annoncé – 154 pages

© Avec l’aimable autorisation des éditions François Bourin

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